lundi 3 juin 2013

Puyou de Pouvourville - MATGIOI - La voie rationnelle - 1907


MATGIOI - La voie rationnelle - 1907

Georges-Albert Puyou de Pouvourville





L’orgueil individuel est la chose qui est, dans toute la race jaune, la plus inconnue, et paraît, aux yeux des Jaunes qui le constatent chez d’autres races, la plus incompréhensible. Le respect des Ancêtres morts à qui l’on se rattache, la solidarité avec les vivants, qui sont tous des parcelles d’un même grand être social, éloignent le Chinois de toute recherche de particularisation. Ainsi le veut l’enseignement traditionnel, auquel nul esprit n’échappe, et dont chacun porte l’empreinte, d’autant plus forte et plus accusée, qu’il a travaillé davantage, et que l’étude de l’héritage intellectuel ancestral l’a fait plus savant. L’orgueil collectif de la race est une fierté louable, mais l’orgueil particulier de l’individu est une ridicule et répréhensible vanité. Aussi, dans la caste philosophique, qui est comme la tête de ce grand corps des lettrés, on s’applique moins à être l’inventeur hardi de nouvelles conceptions que le fils pieux et le gardien incorruptible de la conception primitive et traditionnelle.
        Comme nous le verrons plus loin, cette tournure d’esprit, obligatoire comme un rite à tel point qu’un penchant contraire paraîtrait criminel et sacrilège, fait que tous les systèmes philosophiques, de quelque plan de la philosophie générale qu’il puisse être question, sont issus du premier système philosophique qui fut exprimé, c’est-à-dire du Yiking de Fohi et de Wenwang, que nous avons étudié et résumé dans la Voie Métaphysique.
        Mais, et auparavant, cette tournure d’esprit fait que tous les grands philosophes, tous les chefs d’école, au lieu de se poser en initiateurs, et de tâcher à se singulariser, se déclarent modestement des « frères cadets » des grands maîtres du passé, et les respectueux continuateurs de leurs enseignements.
        Ainsi, au lieu de prétendre apporter une doctrine nouvelle, qui s’installe, en morigénant les anciennes, parmi les turbulences et les négations, ils déclarent apporter une adaptation adéquate à l’époque, et se défendent de la moindre innovation. C’est pourquoi, conformément à l’esprit des plus anciens dogmes, ils apparaissent tous comme des incarnations intellectuelles successives d’une même doctrine, laquelle, n’ayant jamais varié depuis le commencement des Temps, est tout simplement et naturellement la Vérité. 

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